ITW de l’artiste, Mme Nacera Kainou, auteure du mémorial des Nageurs de Combats

Présentation de l’artiste :

Diplômée de l’École des Beaux-Arts de Besançon et de la prestigieuse Art Students League de New York, Nacera Kainou s’installe à Paris où elle développe une œuvre centrée sur le portrait et la figure humaine.

www.kainou-sculpture.com
Sa pratique sculpturale s’inscrit dans une recherche constante de vérité intérieure. Pour Nacèra Kainou, chaque portrait est une biographie écrite dans la glaise, une exploration des forces invisibles qui façonnent l’être humain. Elle privilégie la vraisemblance à la simple ressemblance, cherchant à capter l’essence même de ses modèles.


Ses œuvres, réalisées en terre cuite ou en bronze, sont présentes dans de nombreuses collections publiques à travers le monde : France, Chine (Pékin, Shanghai), Singapour, Israël, Mauritanie, Sénégal. Sa fonction honorifique de Peintre aux Armées lui fera « voir du pays » : Djibouti, Nacera travaille au portrait du dernier survivant du bataillon somali qui s’est illustré lors des deux conflits mondiaux, assure l’éducation artistique au Régiment de service militaire adapté de Mayotte et suit en Lituanie les manœuvres interarmes de l’OTAN. Impressionnante de réalisme, au 21e RIMa de Fréjus est érigée sa statue d’un Marsouin illustrant la devise « Croche et tiens ». Tandis qu’elle se consacre aux grandes figures du métier des armes, de l’amiral Castex au Maréchal Leclerc et à la médecin générale Valérie André. À d’autres aussi : écrivains combattants ou humbles, mais non moins glorieux : ange blanc de 14/18, zouave, spahi ou tirailleur sénégalais. Sans oublier les animaux : chien, chevaux, mules ayant, souvent au prix de leur vie, soutenu les soldats tout au long des grandes guerres.

En reconnaissance de son talent et de son engagement, Nacera Kainou a été promue Chevalier des Arts et des Lettres en 2013.

Elle reçoit en 2014 le premier agrément de Peintre Officiel de l’Armée et celui de Peintre de l’Air et de l’Espace en 2019.

En 2022, elle se voit attribuer la médaille d’honneur de l’engagement ultramarin – échelon or.

Et enfin, elle est reçue dans l’Ordre de la Légion d’Honneur au grade de Chevalier fin 2022.

EF : Peut-on évoquer les défis techniques qui étaient à relever ?

NK : En tant que sculptrice, je travaille la figure humaine et animale en général, le portrait en particulier.

Un buste n’est pas seulement le portrait identifiable d’une personnalité, il est un manifeste, une déclaration publique. Or, pour la première fois, j’ai eu à réaliser une œuvre très explicite, mais totalement anonyme : pas de portrait et pas d’identité, deux corps formant un seul corps en action agissant incognito dans le secret et le silence des profondeurs des océans.

Comment saisir et restituer dans la terre ce binôme de nageurs de combat grandeur nature en restituant le détail des équipements complexes et très détaillés, vitaux pour leur survie en milieu marin et cruciaux pour la réussite de leur mission. La commande de ce binôme a sans doute été le plus grand et le plus difficile défi que j’ai eu à relever de toute ma carrière, compte tenu du caractère monumental, du temps et du budget impartis à cette création, mais aussi et surtout de la charge symbolique et tout particulièrement émouvante : « La sangle encore les reliera », incarnée par cette œuvre.

Vraiment très honorée d’avoir été sollicitée par « L’élite de l’élite » des Armées, j’ai d’abord été envahie par le doute et l’angoisse sur ma capacité à créer à ce niveau d’exigence et en très peu de temps.

Les commanditaires souhaitaient un rendu précis et réaliste, j’ai pensé qu’un moulage d’après nature serait la meilleure des solutions. J’ai donc fait appel à l’Atelier Prométhée, dont je connais bien et depuis longtemps la qualité du travail pour la mise en œuvre du moulage et du tirage des statues.  Je l’avais d’abord raisonnée et imaginée en ciment marin, mais le rendu des détails ne s’y prêtait pas. Nous avons donc décidé d’utiliser une résine époxy, matériau ultra résistant et pérenne. Un nageur en chair et en os est venu nous prêter main forte et a servi de modèle vivant pour le moulage des 2 personnages. Il a ensuite lui-même habillé et équipé les mannequins de plâtre dans leur plus parfaite authenticité. Et enfin il a supervisé le réalisme et la véracité de l’œuvre finale. Une bien belle et très sympathique collaboration !

Nous avons bien sûr fait face à un certain nombre de difficultés techniques au cours de ces longs mois de travail, mais toutes ont été résolues, nous procurant la satisfaction de parfaire nos capacités et de nous grandir dans nos métiers.

EF : Pouvez-vous nous donner un point de vue sur l’art et sa relation avec les armées ?

NK : L’art est une précieuse et indispensable composante de l’histoire militaire. À travers les siècles, les artistes, témoins de leur temps, ont contribué par leurs œuvres à l’héroïsation officielle des grands chefs de guerre et ont immortalisé les glorieux faits d’armes. De tout temps, à travers toutes les périodes, la guerre, le soldat, a inspiré de nombreux artistes, précieux témoins de leurs temps. Leurs œuvres sont venues enrichir les murs des musées et ont inscrit dans notre patrimoine culturel une riche et très instructive Histoire militaire.

Aujourd’hui, les Peintres aux Armées s’inscrivent toujours dans cette même veine. Ils réalisent des œuvres d’art originales historiques et mémorielles et toutes créations relatives au témoignage, à la communication et au prestige de l’Armée, servant sa cause et son renom, contribuant ainsi à son rayonnement par l’art et la culture.

Chaque artiste matérialise le geste militaire dans un style, une originalité et une sensibilité qui lui sont propres. La très spécifique valorisation des compétences individuelles dans nos armées est aussi de mise pour notre petite « escouade », c’est d’ailleurs ce qui fait la très grande richesse du corps des artistes au sein de nos Armées. Personnellement, j’accorde une attention particulière à l’Homme, ainsi qu’aux valeurs et à la cohésion incarnées par les équipages ou les unités au quotidien, à la camaraderie, à l’esprit de groupe, ces dimensions humaines qui constituent le cœur de mon travail. Je ne pouvais donc pas avoir de meilleur sujet que celui d’un binôme de nageurs de combat pour illustrer cette fraternité d’armes. Fraternité dont j’ai pu observer la profondeur et la noblesse.

J’aimerais tous encore vous remercier très chaleureusement pour la confiance que vous m’avez accordée et pour m’avoir permis « d’effleurer des doigts » votre unité d’élite.

Une très émouvante et bien noble mission et une expérience exceptionnelle avec des hommes hors du commun.

Merci Mme Kainou

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